Au cours des années vingt, lors du retour des corps des soldats morts au combat, la photographie s'est alors largement diffusée dans les cimetières en nichant le portrait du défunt au creux de ces livres de pierre.
Sous l'effet du climat, des radiations, de la griffure du vent ou la morsure de la rouille, les traces du temps ont ravinées ces images. Il s'y enregistre la durée qui nous sépare de ces hommes, mais aussi l'empreinte du pays qu'ils ont dû quitter pour rejoindre le front.
Ce qui en premier s'efface de l'image, ce sont les retouches opérées sur la photographie. Aussi, un procédé fréquent consista, dans l'urgence, à réaliser un photomontage en posant le portrait du disparu sur le col d'un soldat en tenue, pour ne reconstituer qu'un corps vêtu de l'uniforme.
En abyme, pour photographier une photographie, il faut s'appuyer sur l'épaule d'un photographe fantôme, et fixer un regard qui nous scrute encore.